Migraines et Céphalées

La migraine est un trouble neurologique complexe comprenant souvent une céphalée sévère, caractérisée par la présence de nausées et/ou d’hypersensibilité de diverses natures, telles qu’aux bruits, à la lumière, aux odeurs, et parfois même au toucher léger du cuir chevelu. Cela en fait une pathologie très invalidante qui réagit malheureusement de façon très variable aux différentes options thérapeutiques. La crise migraineuse peut durer plusieurs heures, voire plusieurs jours et la douleur qui y est associée est souvent décrite comme une douleur pulsatile, sous forme de palpitations. En général, elle est unilatérale, mais elle peut aussi être ressentie dans toute la tête ou toucher les côtés de la tête en alternance. Les autres symptômes migraineux varient en fonction du type de migraine. La fréquence des crises migraineuses peut varier de deux à trois épisodes par an à plus d’un épisode par semaine. La migraine est dite chronique lorsque ces crises surviennent au moins 15 jours par mois.

La migraine ne date pas d’hier. Les premiers écrits connus de ce qui ressemble à une migraine remonte à environ 3000 avant J.-C. dans des poèmes mésopotamiens. Beaucoup plus tard, Hippocrate a fait mention des altérations visuelles qui précèdent parfois une douleur unilatérale à la tête. Il était un partisan de la pharmacothérapie dans le traitement de cette affliction et mentionne également que le fait de se faire vomir peut parfois amener un certain soulagement. Bien que le crédit pour la découverte de la migraine revienne à Aretaeus au 2ième siècle, c’est Thomas Willis en 1672 qui a écrit le premier traité moderne sur la migraine en y proposant une origine vasculaire, par dilatation des vaisseaux sanguins crâniens.

Les techniques de traitement sont demeurées toutefois particulières. Par exemple, Erasmus Darwin, le grand-père de Charles Darwin, à la fin des années 1700, proposait de placer le patient dans une centrifugeuse pour acheminer le sang de la tête vers les pieds.

À la fin des années 1800, certains écrits font mention de l’effet antimigraineux des extraits d’ergots du seigle (champignon vénéneux). En 1918, l’ergotamine est isolée de l’ergot et en 1938, John Graham et Harold Wolff démontrent que l’ergotamine fonctionne par vasoconstriction et donc prouve la théorie vasculaire de la migraine. En 1943, la dihydroergotamine est synthétisée et commence à être prescrite presque aussitôt dans le célèbre Mayo Clinic. Enfin, une autre classe de médicaments, les triptans, font leur apparition au début des années 90 avec la naissance du sumatriptan.

Toutefois, il est devenu clair avec les études réalisées que la cause vasculaire ne tenait pas la route. Il y a bien des changements vasculaires qui accompagnent la migraine, mais ceux-ci font suite à des changements neurologiques. Michael Moskowitz a ainsi proposé la théorie trigémino-vasculaire de la migraine, selon laquelle la douleur migraineuse serait en lien avec une inflammation des parois des vaisseaux situés à la base du cerveau.

Les symptômes ressentis lors d’une crise migraineuse typique dépend du stade où l’on se trouve au sein de la crise. Tout d’abord, dans les heures qui précèdent la crise, il y a souvent un prodrome, phase où les migraineux ressentent qu’une crise se prépare. Ensuite, certains individus vont ressentir une aura, le plus souvent visuelle, qui peut durer jusqu’à une heure. Graduellement l’aura se dissipe pour laisser toute la place à la céphalée qui peut durer entre 4 et 72 heures. Enfin, plusieurs migraineux vont également ressentir un postdrome.

Prodrome

Environ 30% des migraineux rapportent des symptômes avant l’apparition de la céphalée, pouvant prédire avec précision l’apparition de la migraine dans les heures suivantes. Les symptômes précurseurs peuvent être très variés. Les plus courants sont la fatigue, une raideur cervicale, des perturbations gastro-intestinales, des bâillements, des nausées, une fréquence des besoins urinaires accrue, et une difficulté de concentration.

Aura

C’est également 30% des migraineux qui vont présenter une aura. Elle précède la crise migraineuse et peut se traduire par: 

– Des troubles visuels dans la majorité des cas, qui peuvent être notamment caractérisées par l’apparition de points brillants dans le champ de vision (scotome scintillant);

– Des troubles sensitifs qui peuvent se manifester par des fourmillements ou des engourdissements;

– Des troubles du langage avec une difficulté ou une impossibilité à parler.

Céphalée

La céphalée de la migraine est typiquement unilatérale, et varie la plupart du temps d’un côté à l’autre lors d’une attaque. Les douleurs sont principalement dans les régions frontale, temporale et oculaire. Il y a également régulièrement des douleurs dans les régions cervicale et occipitale ainsi que parfois dans le territoire du vertex (sommet du crâne).

Typiquement, la douleur est pulsatile. L’intensité est de modérée à sévère et de façon presque invariable (95%) il y a aggravation des douleurs par des activités physiques routinières, tel que marcher et monter des escaliers. Par ailleurs, environ 50% des migraineux vont rapporter de la photophobie ou phonophobie, 80% des nausées et 50% des vomissements. L’intensité des signes associés est habituellement proportionnelle à la sévérité de l’attaque.

Postdrome

Le postdrome est souvent comparé à un lendemain de veille ou une sensation d’être zombie. Cette phase inclut notamment une fatigue et des difficultés de concentration. Elle peut durer jusqu’à deux jours après la crise douloureuse.

Plusieurs facteurs déclenchants, ou précipitants, nommés souvent “triggers”, sont bien connus pour pouvoir induire une attaque chez un migraineux. La présence de triggers est rapportée par 90% des migraineux. Les stress et l’anxiété sont les facteurs les plus communs. Il y a également les facteurs alimentaires, l’alcool, les menstruations, les odeurs fortes de certains parfums ou certaines plantes, la fatigue, le manque de sommeil, et les changements de température. Il est à noter que cette liste n’est pas du tout exhaustive et les déclencheurs sont très variables d’un individu à l’autre. En effet, une méta-analyse incluant plus de 27000 sujets souffrants de céphalée primaire a en fait recensé plus de 400 déclencheurs uniques. La rédaction d’un journal de bord peut aider à identifier ces déclencheurs. Enfin, mentionnons également que les facteurs déclencheurs vont parfois se manifester que dans une période vulnérabilité ou en combinaison avec un autre déclencheur. Par exemple, une migraineuse pourrait avoir une crise suite à la consommation d’alcool lors de la période menstruelle, alors que dans d’autres circonstances, cela n’aura pas nécessairement d’impact.

La migraine est une pathologie fréquente: la prévalence atteint 14 à 25% chez les femmes et 7 à 9% chez les hommes adultes. Toutefois, avant la puberté la tendance est inversée avec une prévalence légèrement plus élevée chez les hommes, avec la plus haute incidence entre 6 et 10 ans, alors que chez les femmes, l’incidence est plus élevée entre 14 et 19 ans. En fait, environ 5 à 8% des enfants en âge scolaire se plaignent de maux de tête, perturbant du moins partiellement leurs activités. 

Au Canada, c’est 2.7 millions d’individus qui sont estimés avoir été diagnostiqués migraineux. La migraine va enfin devenir chronique chez environ 8% des migraineux, affectant 1 à 2% de la population. Pour ce qui est de l’aura, il semblerait qu’il soit présent dans environ 20% des cas de migraine.

Comme la migraine peut être très invalidante en raison de la sévérité des douleurs et des symptômes associés, elle a un énorme impact sur les relations familiales et sur la société. À titre d’exemple, au Canada, les coûts indirects liés à l’absentéisme au travail et à la diminution de la productivité s’élèvent jusqu’à 900 millions de dollars par année. Évidemment, la migraine a également un impact énorme sur la qualité de vie des personnes qui souffrent de cette condition. Environ 3% des migraineux rapportent une très grande invalidité tel que défini par le Migraine Disability Assessment Scale (MIDAS), alors que dans le cas des migraineux chronique, la proportion augmente à 25%.

Enfin, la migraine est associée à une multitude de conditions comorbides dont l’épilepsie, la dépression, les troubles anxieux, certaines allergies, l’hypertension artérielle, et les accidents vasculaires cérébraux (AVC), pour ne nommer qu’eux. En fait, jusqu’à 17% des AVC sous la barre des 50 ans seraient en lien avec la migraine. Une revue de la littérature a également récemment démontré une augmentation de la prévalence du syndrome du côlon irritable chez les migraineux. Il semble également y avoir un lien avec d’autres conditions gastro-intestinales ainsi que l’asthme. Les mécanismes sous-jacents ces derniers liens sont toutefois pour la plupart plus ou moins bien élucidés.

Les mécanismes de la migraine commencent à être bien connus même s’il reste encore de nombreuses questions non résolues. La migraine est due à une excitabilité neuronale anormale, comme c’est le cas pour l’épilepsie ou certains troubles du mouvement (ex: dyskinésies paroxystiques). Ce phénomène est lui-même lié à une prédisposition génétique, modulé par des facteurs environnementaux (hormones, stress, aliments…).

Si l’on ne sait toujours pas comment une crise migraineuse se déclenche, le rôle de l’hypothalamus a été confirmé par l’imagerie : il pourrait être un « générateur » des crises de migraine.

Par ailleurs, des progrès considérables ont été réalisés dans la compréhension des mécanismes impliqués dans les différents symptômes qui lui sont associés. Ainsi, l’aura migraineuse est probablement provoquée par un dysfonctionnement transitoire du cortex qui entraîne une vague lente de dépolarisation des neurones, de l’arrière du cerveau vers l’avant. On parle de « dépression corticale envahissante » (DCE). Ce phénomène est observable par imagerie fonctionnelle au cours de crises de migraine avec aura spontanée. Il entraîne une baisse transitoire de l’activité des neurones, avec une légère diminution du débit sanguin cérébral. Cela explique les troubles neurologiques visuels, sensitifs, du langage, ou la faiblesse motrice ressentis par les patients. Dans le cas de la migraine hémiplégique familiale, les mutations connues ont les mêmes conséquences : une augmentation de potassium et de glutamate dans la fente synaptique qui sépare deux neurones, conduisant à une hyperexcitabilité neuronale et à une augmentation de la sensibilité à la dépression corticale envahissante.

La céphalée migraineuse est quant à elle secondaire à la dilatation et l’inflammation des vaisseaux cérébraux, notamment ceux des méninges à la surface du cerveau. Ces modifications sont provoquées par l’activation anormale du système trigéminovasculaire, qui innervent les vaisseaux méningés et provoque une stimulation nerveuse via la libération de CGRP, des neuropeptides « messagers de la douleur ». Il existe par ailleurs une activation anormale de neurones dans le tronc cérébral et l’hypothalamus, qui contribue au déclenchement, à l’amplification et/ou à la persistance du message douloureux. Certaines études conduites chez l’animal ont montré que des vagues de DCE pouvaient déclencher l’activation du système trigéminovasculaire, proposant ainsi un lien entre aura et céphalée migraineuse pour les patients ayant des migraines avec aura.

Il était communément admis depuis les années 40 que la sensibilité douloureuse intracrânienne était limitée à la dure-mère, l’enveloppe méningée la plus externe qui tapisse la voûte et la base du crâne, et à ses vaisseaux nourriciers. Aussi c’est la dilatation et l’inflammation des artères de la dure-mère qui étaient considérées à l’origine de la douleur associée aux migraines. Toutefois, une étude clinique menée par des chercheurs et neurochirurgiens français a récemment modifié cette conception en montrant que la pie-mère, située sous de la dure-mère, et ses vaisseaux nourriciers sont également sensibles à la douleur. Ces structures pourraient donc être elles-aussi impliquées dans les céphalées.

Dans les générations précédentes, les migraines étaient souvent considérées principalement comme des problèmes liés à la vascularisation du cerveau, entraînant un recours fréquent à la médication en tant que forme de traitement principale. Cependant, des recherches récentes au cours de la dernière décennie ont dévoilé une compréhension plus nuancée, reconnaissant que les migraines peuvent être influencées par divers facteurs, notamment neurologiques, vasculaires,environnementaux et musculosquelettiques.

À la Clinique La Migraine, le Dr Daniel Lachance, chiropraticien, préconise une approche qui reconnaît la corrélation entre les migraines et les problèmes cervicaux. Ses traitements, qui privilégient l’adresse des problèmes cervicaux, ont donné des
résultats impressionnants, contribuant à une compréhension progressive de la nature complexe des migraines et de leurs traitements potentiels.